Le 4 octobre 2021, le prix Nobel de Physiologie et de Médecine a été décerné conjointement à David Julius et Ardem Patapoutian pour leurs découvertes des récepteurs de la température et du toucher.
David Julius est né en 1955 à New York ; il est un physiologiste et professeur à l'université de Californie à San Francisco. Ardem Patapoutian est né en 1967 à Beyrouth ; il est biologiste moléculaire et neuroscientifique à l’Institut de recherche Scripps à La Jolla en Californie.
Cette année, le Prix Nobel concerne nos sens qui nous permettent de percevoir et d’interpréter le monde autour de nous. Des organes spécialisés tels que nos yeux, nos oreilles, notre nez, notre bouche et notre peau nous permettent de voir, d’entendre, de sentir, de gouter et de toucher. Il a mis à l’honneur notre capacité à ressentir la température et le toucher.
💬 Imaginez que vous marchiez pieds nus dans l’herbe un matin d’été.
Vous pouvez sentir la chaleur du soleil, la texture du sol, la fraicheur de l’herbe,
la caresse de la brise estivale.
Ces sensations de température et de toucher dépendent du système somatosensoriel qui participe à la relation de l'organisme avec l'extérieur et qui collecte toutes les informations sensorielles provenant du corps. Ce système est essentiel pour effectuer des tâches sans effort et sans y penser.
Par exemple, lorsque nous prenons un café sur le pouce, des informations sensorielles provenant des jambes et des bras nous permettent d’avoir la bonne position. Des récepteurs sensoriels au niveau de la peau enregistrent la texture, la taille et la forme de la tasse, évaluent sa température, ajustent la force de la main pour tenir la tasse correctement.
L’interaction entre le monde extérieur et le corps humain a fasciné le genre humain depuis des centaines d’années. Le philosophe français René DESCARTES au XVIIème siècle a évoqué le lien entre la peau et le cerveau, l’action des objets extérieurs sur les organes des sens comme l’action de la chaleur sur la peau.
Il décrit le Sensorium commune c'est-à-dire le centre où aboutissent toutes les impressions sensorielles et d'où part la commande de tous les mouvements. Il considère le cerveau comme un réseau de fibres et les nerfs comme des tuyaux, jouant un rôle important dans les mécanismes physiologiques.
Fig. 5. - René Descartes, L'Homme, Paris 1664 (p.27) : Action des objets extérieurs sur les organes des sens, (action de la chaleur sur la peau). |
Au siècle dernier, les scientifiques ont découvert des capteurs spécialisés, les nerfs. Les nerfs localisés dans la peau ou les muscles enregistrent des changements dans l’environnement extérieur et intérieur. Il y a différents types de nerfs qui détectent différents types de stimuli comme la chaleur ou le toucher. |
Mais comment la température et le toucher sont enregistrés par le système nerveux ?
En quelque sorte les nerfs doivent convertir la stimulation physique de la chaleur ou du toucher en un signal biologique. Ce sont des récepteurs nerveux qui détectent et convertissent chaleur et toucher en impulsions nerveuses. L’identité de ces récepteurs était inconnue jusqu’à ce jour. La capsaïcine, composé actif du piment rouge, a été l'un des outils essentiels pour l'une des découvertes primées aujourd’hui. Quand nous mangeons un repas épicé avec du piment rouge, nous avons une sensation de brûlure pouvant être douloureuse, nous commençons à transpirer. Ainsi il semble que la capsaïcine peut tromper le cerveau et lui faire penser qu’il y a un changement réel de la température corporelle.
🌶️Il est reconnu que la capsaïcine active des capteurs sensoriels et que cette activation est responsable de la sensation de chaleur lorsque l’on mange du piment. Cependant le récepteur moléculaire qui détecte la capsaïcine était un mystère.
David Julius et ses collaborateurs ont identifié le récepteur de la capsaïcine sur les neurones sensitifs et l’ont appelé TRPV1. Cette protéine est localisée à la surface des neurones, dans la membrane plasmique qui sépare le milieu extérieur du milieu intérieur. Ce récepteur est présent sur les nerfs sensibles de la bouche, mais également sur toutes les muqueuses et sur toute la peau. C’est un canal ionique sensible à la chaleur (récepteur thermique) et qui s’active spontanément lorsque la température est supérieure à 43°C (ouverture du canal au-dessus de 43°C laissant passer le Sodium ou le Calcium).
Quelques années plus tard, David Julius et Ardem Patapoutian ont découvert de manière indépendante un récepteur sensible au froid, appelé TRPV8. D’autres récepteurs sensibles à la température ont pu être identifiés.
👉 Nous savons maintenant que ces différents récepteurs agissent ensemble pour nous donner la sensation de chaud/froid ou induire la douleur d’une trop forte température.
Alors que le mécanisme sous-jacent est connu, celui qui explique la sensation du toucher reste une énigme. La sensation du toucher commence par des forces mécaniques telles que l’application d’une aiguille sur la peau. Ceci peut être mimer sur un modèle in vitro en appliquant des forces mécaniques directement sur la cellule et en enregistrant son activité.
Ardem Patapoutian et ses collaborateurs ont utilisé ce système pour identifier les cellules sensibles aux stimulations mécaniques ou « mécanosensibles ». Ainsi ils ont pu identifier 2 récepteurs sensibles aux stimulations mécaniques, nommés PIEZO1 et PIEZO2.
Ces protéines appartiennent à une nouvelle classe de protéines, des canaux ioniques sensibles aux forces mécaniques. PIEZO2 intervient dans le toucher et la proprioception (localisation et mouvement de notre corps) par exemple lors d’une étreinte.
Les travaux de David Julius et Ardem Patapoutian ont dévoilé un des secrets de la nature, en expliquant la base moléculaire nous permettant de ressentir la température et les forces mécaniques. Cela représente les fondements de notre perception de la température, de la douleur, du toucher et de la proprioception.
💡Entre d’autres mots, les canaux TRPV et PIEZO jouent un rôle clé dans de nombreux aspects physiologiques liés à nos sensations.
Les recherches de David Julius et de son compatriote Ardem Patapoutian, l'autre lauréat, ont donc permis de répondre à une grande question : « comment les stimuli mécaniques et de température sont convertis en impulsions électriques dans notre système nerveux »
Si ces récepteurs thermosensibles et mécanosensibles vont devenir une nouvelle cible dans le développement de molécules contre la douleur, on peut se demander s’ils ne sont pas déjà une cible des soins endermologie® qui permettent de convertir une stimulation mécanique en un signal biologique comme la sensation de bien-être ou de total apaisement !
Sources:
Announcement of the 2021 Nobel Prize in Physiology or Medicine.
Patrick Ernfors, Karolinska Institute. Voir sur Twitter ici
L'Homme de René Descartes (éditions de 1662 et 1664):
Physiologie et mécanisme